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LE COURAGEUX COMBAT DE FÉLICITE.


Si le fait de se rendre à l’hôpital n’est jamais une source de plaisir, pour un congolais, se rendre au Centre Hospitalier Universitaire de Brazzaville semble un pas de plus vers la mort.


Les plaintes sont nombreuses : « Les médecins ne sont jamais là, personne ne s'occupe de vous, tout ce que les gens cherchent, c'est l'argent… »


 Fort de ce constat, la population congolaise en est arrivée à dire que « CHU = CH Tue ». Cependant, nombreux sont les médecins qui se battent avec acharnement pour leurs patients et témoignent, pour ceux-ci, d'un professionnalisme et d'une compassion sans équivoque. Ce sont des médecins qui, dans un contexte difficile et parfois décourageant, pratiquent la médecine au sens noble du terme et s'occupent de la santé de leurs patients dans sa globalité. Des médecins que nous nous efforcerons donc d'accompagner dans cette rubrique, en vous racontant leurs histoires, en vous entretenant de leurs challenges et du courage dont font montre les patients qu'ils ont à charge.


Notre histoire de ce mois est celle d'une enfant que nous nommerons Félicité et d'une chirurgienne, le Docteur Irène ONDIMA, qui s'est battue jusqu'au bout pour sauver la vie de cette enfant.Félicité vit dans un village du sud du Congo. Elle a 11 ans et est en classe de 6ᵉ. Elle est issue d'une famille de trois enfants dont elle est la benjamine. Son père ne travaille plus depuis plusieurs années suite à de gros problèmes de santé, aussi sa mère est seule à pourvoir aux besoins de la famille. Courageuse et très joyeuse, Félicité est toujours disponible pour aider ses parents et ses frères dans les tâches quotidiennes de la maison.


Un jour, après une banale bousculade dans un marché, Félicité ressent une douleur de l'épaule qui, bizarrement, ne s'estompe pas dans le temps. Après plusieurs semaines, son épaule commence à gonfler et la douleur s'aggrave. Chaque jour qui passe, elle a de plus en plus mal, devient moins active et ne fait presque plus de mouvement avec son bras gauche. L'enfant perd du poids, devient de plus en plus pâle et son épaule ne cesse de grossir.


Comme souvent dans la culture congolaise, une origine « mystique » est d'emblée privilégiée. En effet, ses parents pensent initialement à un sort jeté sur l'enfant et l'emmènent dans des lieux de prières.


 Au bout de trois mois d'aggravation lente de son état, Félicitée est conduite à Brazzaville où elle est admise au CHU-B. Le Médecin qui la reçoit constate qu'elle est en très mauvais état général, amaigrie, pâle et qu'elle présente une énorme tuméfaction douloureuse de l'épaule gauche avec impossibilité de mouvoir son bras.


Elle est prise en charge par le Dr ONDIMA dans le service de Chirurgie infantile dirigé par le Pr agrégé Caryne MANDAVO.


Depuis plus d'une décennie, de nombreux enfants cancéreux ont été opérés dans ce service par le Dr ONDIMA, mais le cas de Félicité va toucher un nombre considérable de personnes et entrainer une mobilisation exceptionnelle.


Face aux examens biologiques à réaliser (radiographie, scanner, bilan sanguin…), les problèmes financiers se posent d'emblée, car les moyens de la famille sont très modestes.


Selon l'ordre des choses, l'assistante sociale chargée d'aider les patients les plus démunis est contactée. Mais le coût du bilan permettant le diagnostic et le traitement médico-chirurgical est faramineux. Il n'est que très partiellement couvert par l'aide sociale de l'hôpital.


Face à cette situation, le Dr ONDIMA lance un appel à l'aide auquel répondra initialement le personnel soignant et administratif du service ainsi que de nombreuses personnes de bonne volonté.


Le scanner, réalisé gracieusement grâce aux interventions suscitées, confirme une tumeur osseuse étendue de l'épaule. Une amputation de tout le membre supérieur est indiquée.


Dans un premier temps, Félicité, dont l'état général continue de se dégrader jour après jour, est psychologiquement préparée à subir cette intervention radicale qui la laissera handicapée à vie.


L'état de Félicité nécessite une importante transfusion sanguine. Pour ce faire, le Centre de Transfusion Sanguine simplifie l'accès aux poches de sang nécessaires dont le payement se fait grâce à la famille et au soutien d'associations.


Des pharmaciens acceptent de réduire le coût de nombreux produits pour cette opération et pour la suite de la prise en charge en dehors du CHU-B afin d'avoir tous les produits médicamenteux pour cette opération. 


Pendant ce temps, au plan médical, le laboratoire d'anatomopathologie met ses compétences à disposition de façon inconditionnelle pour toutes les analyses nécessaires.


 Les pédiatres et les cancérologues étudient le dossier ensemble et en détails pour organiser au mieux le traitement post-opératoire. Des médecins de Pointe-Noire et des associations internationales sont sollicités et aident à l'obtention de la chimiothérapie.


 Le personnel du bloc opératoire, les chirurgiens (esthétique, vasculaire, infantile...) et les anesthésistes ont tout préparé pour le succès de cette délicate opération de sauvetage.


Nous n'oublierons pas de citer les sœurs catholiques de Bifouiti, les sœurs et frères de l'église de Félicité et sa famille élargie, qui soutiendront autant que possible Félicité durant ces moments éprouvants et face aux risques liés à cette maladie.


La chirurgie durera de nombreuses heures. Heures passées dans l'attente et l'angoisse pour tous, et se soldent par un franc succès. En effet, quarante-huit heures après l'opération, Félicité sourit enfin, elle n'a plus de douleur et s'alimente mieux. Le Dr Irène et l'armée de participants à cette mission sont soulagés. Ce n'est que la première étape, mais l'espoir est grand !


Comme nous l'avons précisé précédemment, le cancer est étendu et l'état général de notre Félicité est toujours altéré.


 Ainsi, la chimiothérapie est débutée dans des délais raisonnables dès que l'enfant est stable cliniquement. Malheureusement, l'état de santé de Félicité se dégradera rapidement malgré le traitement médical. Des efforts de réanimation sont effectués en vain et Félicité décèdera dans les heures suivant cette dégradation.


« L'homme propose, Dieu dispose », notre petite Félicité s’en est allée ! Une vague de tristesse submerge le service de chirurgie ainsi que tous les intervenants et donateurs ! Tous espéraient voir Félicité reprendre des forces et se relever de cette éprouvante maladie.


Le docteur ONDIMA s'est intensément investi pour sauver la vie de cette enfant et cela n'a malheureusement pas été suffisant. Cependant, grâce au dévouement des nombreux intervenants dans cette mission d'aide et de soin, Félicité a bénéficié d'une prise en charge complète et a pu être soulagée et accompagnée dans des conditions dignes jusqu'au bout.


Malgré une fin fatale, cette histoire, tirée de faits réels et tristes, nous a permis de découvrir qu'il y a de nombreuses personnes compétentes et dévouées dans notre pays, et aussi dans notre CHU-B tant décrié. Il faut juste les trouver, les encourager et les soutenir.


Nous rappelons ici le motto d'Elikia: « L'espoir, c'est d'être capable de voir la lumière. »



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