TÉMOIGNAGES DU DOCTEUR IRENE ONDIMA SUITE A LA PRISE EN CHARGE DE FÉLICITÉ.
- By VK
- 27 nov. 2021
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Le Docteur Irène Ondima est chirurgienne pédiatre au CHU-B depuis plus de 10 ans et de nombreux enfants atteints de cancer sont opérés chaque année dans son service. Elle a accepté́ de nous recevoir dans son service afin de répondre à nos questions concernant l'élan de solidarité́ qu'elle a initié́ pour la prise en charge de la petite Félicité.
Elikia Magazine : Pouvez-vous nous dire ce qui vous a motivé́ à aider Félicité́, qui n’était pourtant qu’une inconnue pour vous ?
Docteur Ondima : Je ne dirai pas une inconnue, c’était une enfant malade. Nous avons déjà pour habitude dans notre service de prendre en charge des enfants en grande difficulté́ et d'être soutenus par des associations. Depuis quelques années, il y a des personnes de bonne volonté́, préférant rester dans l’anonymat, qui nous aident dans la prise en charge des patients qui ont des dossiers compliqués. L’état dans lequel nous avons vu arriver Félicité la faisait entrer d'emblée dans le cadre de ces dossiers. En tant que médecin, mais aussi en tant que parent, j’ai été́ touchée de la voir tellement souffrante, dans un état clinique si altéré́, accompagnée d'une maman qui venait de l’intérieur du pays complètement seule.
EM : Qu’est ce qui a été́ le plus difficile durant la prise en charge de cette enfant, pour vous et votre équipe ?
Dr. O : C’est l’idée de savoir qu’on faisait une chirurgie qui était lourde et qu’on risquait de la perdre au bloc. Et si on ne faisait rien, qu'on la laissait dans son lit, on la perdait aussi. Le challenge était grand, sa prise en charge était très risquée mais par la grâce de Dieu, elle s’en est sortie et a tenu encore près de deux mois. Elle reprenait des forces, était joviale et rayonnante. Malheureusement son état s’est ensuite dégradé́.
EM : Avez-vous déjà̀ eu à prendre en charge un cas semblable à celui de Félicité ou est-ce la première fois ?
Dr. O : Des cas de cancer, oui! mais pas identiques. C’est la première fois que nous avons eu à traiter ce genre de cancer, au niveau de l’épaule. Dans le service on a eu des cas d'ostéosarcome au niveau du genou.
"On va se battre ! il faut arracher les enfants à la mort."
EM : Le nombre d'enfants opérés pour un cancer dans votre service est-il important ? Pouvez-vous nous donner quelques chiffres ?
Dr. O : Ce nombre n'est pas grand, heureusement! Le cancer de l’enfant est une pathologie très rare, elle représente 1 à 2% des pathologies que nous opérons. En chiffre absolu, on reçoit approximativement 5 à 10 enfants pour maladie cancéreuse par année.
EM : Quels sont les problèmes que vous rencontrez dans la chirurgie des enfants de façon générale et particulièrement dans celle des tumeurs ?
Dr. O : Le plus grand problème, c’est l’arrivée tardive des parents ainsi que le diagnostic tardif du fait de la méconnaissance du cancer de l’enfant par certains personnels de santé. De plus, le traitement du cancer est couteux même quand certains médicaments sont offerts gratuitement pour la chirurgie, tout ce qui vient après est difficile : la chimiothérapie et autres traitements.
EM : Est-ce que ces problèmes sont spécifiques au Congo ?
Dr. O : Cette situation n'est absolument pas spécifique au CONGO. Nos collègues du Congo Démocratique et de la sous-région, nous rapportent quasiment les mêmes problèmes. Mais on peut améliorer la situation en sensibilisant les gens à ces pathologies et en formant le personnel médical pour la prise en charge précoce du cancer.
EM : Avez-vous expérimenté des cas similaires dont l’évolution ait été́ favorable à long terme ?
Dr. O : Concernant les ostéosarcomes, très peu. Dans mon souvenir peut être un cas, mais il faut savoir qu'ils sont suivis à long terme par les cancérologues qui ont certainement des données plus sure.
EM : S’il arrivait que vous receviez un autre enfant atteint d'un cancer de l'os, êtes-vous prête à réitérer cette expérience et cet investissement personnel ?
Dr. O : Ah oui, bien sûr, on va se battre! Il faut arracher les enfants à la mort. C’est Dieu qui fait grâce mais en tant qu’être humain nous devons accomplir notre tâche de notre mieux.
EM : Que pouvez- vous dire à ceux qui pensent que les médecins du CHU-BRGE sont peu compétents et insensibles ?
Dr. O : Je pense que ce n’est pas un problème de compétences c’est plutôt un problème d’organisation du travail. Le travail n’est pas bien organisé à cause de difficultés financières. Je ne pourrai pas répondre de façon plus détaillée, mais nous allons vers une amélioration à des choses.
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