Un célèbre adage dit qu' "après la pluie vient le beau temps", mais ce n'est pas le cas de nombreux marchés à Brazzaville. Nous avons sillonné trois marchés de la ville capitale (Total, la Tsiémé et Plateau) pour évaluer leur état de salubrité après les pluies. Il semble qu’il y ait un grand travail à faire car les constats sont alarmants.
Le marché Total est situé dans l'arrondissement 2, Bacongo, le marché Total est le plus grand de Brazzaville. En effet, il accueille des populations de divers quartiers et arrondissements. Cependant, il figure parmi les marchés les plus insalubres de Brazzaville. Dans le cadre de notre enquête, nous avons constaté que les règles d'hygiène élémentaires ne sont pas observées. En effet, du côté de l'arrêt des coasters de la Tsiémé par exemple, nous avons vu une trentaine de commerçantes qui commercialisent des fruits et légumes à même le sol, un sol humide et boueux. Nous nous sommes intéressés à une des commerçantes de légumes (tomates fraîches, aubergines violettes et poivrons verts) qui vend dans ce marché depuis 1990. Il s'agit de Judith, quinquagénaire célibataire et mère de deux enfants. Judith est très accueillante et nous a raconté le motif pour lequel elle vendait à cet endroit: "j’avais une table dans le marché du côté de Kolélas mais on nous a chassé. J'ai alors trouvé une autre table du côté de Malonga, une place que j'ai cédé à ma grande soeur qui revenait du village et n'avait pas de boulot. J'ai préféré lui donner ma place et vendre ici”.
La vendeuse nous avoue également ne pas être satisfaite de ses conditions de vente. Mais elle est obligée de continuer parce que ce commerce l'aide à prendre soin de sa famille, "lorsque les bus passent, de l'eau sale est éclaboussée sur ma marchandise, je suis parfois obligée de déplacer la nappe pour un moment mais cela ne m'arrange pas parce que je rate des clients". Même si l'endroit est insalubre, cela ne l'empêche pas de consommer ce qu’elle commercialise. Hormis elle, beaucoup d'autres femmes vendent dans ces conditions. Certaines devant les caniveaux remplis de saleté et d'eau, d'autres à 5 cm des barques à ordures de la société Averda.
Notre second choix a été de visiter le marché Texaco-la Tsiémé, petit marché situé dans l’arrondissement 5 Ouenzé et créé dans les années 1900. En effet, Texaco-laTsiémé est un marché informel qui est à la base une gare routière permettant aux grossistes qui quittent les villages d'écouler rapidement leurs produits. Ce marché approvisionne les revendeurs et consommateurs de nombreux quartiers surtout en manioc. Dans ce marché, nous avons rencontré une revendeuse, qui pour des besoins de discrétion n'a pas voulu dévoiler son identité. Cette dernière vend dans ce marché depuis près de vingt ans mais elle est placée juste devant le goudron. Elle n'a pas de table et nous a confié pourquoi elle vend dans ces conditions: “je vends dans ces mauvaises conditions, non pas par volonté, mais parce qu'il n' y a pas de table. À la base ce n'est pas un marché c'est une gare routière, nous achetons auprès des grossistes et revendons sur place. Nous souffrons beaucoup parce que nous sommes obligés d'attendre que tous les véhicules déchargent leurs marchandises pour avoir de la place pour étaler et vendre les nôtres". Cette dame est consciente du manque de propreté du marché et blâme les services d'hygiène qui ne font pas leur travail comme il se doit. Cependant, les consommateurs viennent nombreux pour faire leurs courses au marché Texaco-la Tsiémé.
Pour Marina, cliente et habitante du quartier Ouenzé, ce marché est plus approprié pour elle car il est proche de son domicile. Selon elle, il n y a aucun risque d’acheter ces aliments, "les africains ne meurent pas à cause des microbes, je lave bien mes aliments et les laisse longtemps au feu, je pense que tous les microbes meurent" a t'elle ajouté.
Nous méditons ces paroles qui traduisent une façon de penser populaire au Congo mais est elle raisonnable et sage?
Notre ronde se termine par une visite du marché Plateau des 15 ans, marché situé dans l’arrondissement 4 moungali, à environ 500m de la pharmacie Jagger entre l'avenue des Seizièmes (16 èmes) et l'avenue des Trois martyrs. Ici, tous les commerçants vendent sur des étales en bétons et non à même le sol. C'est vrai que pendant les pluies, les allées du marché sont impraticables à cause des mares d'eau stagnantes qui empêchent les vendeurs d'écouler leurs marchandises. Il existe donc un problème logistique d'accès à certaines parties du marché, mais au plan propreté, il est la préférence de plusieurs congolais.
Ainsi, le bilan de cette première série de visites de 3 marchés de Brazzaville pour en évaluer la propreté n'est pas bon. Dans l'immense majorité des cas, les vendeurs n'en sont pas satisfaits et les clients s'en contentent, utilisant des adages populaires infondés pour justifier et s'accommoder des conditions actuelles.
Il est dit que "nous sommes ce que nous mangeons", si nous acceptons la saleté la plus rance dans les lieux où nous achetons des aliments pour nous et nos familles, quelle image avons nous de nous même? Il serait temps que l’Etat prenne en charge la salubrité des marchés, sachant que chaque vendeur doit payer une taxe quotidienne moyenne de 100f ou plus. Car, un meilleur aménagement de l’infrastructure d'insalubrité conduit à "des risques potentiels selon l’OMS, ces risques sont divisés en trois catégories à savoir: les risques biologiques, chimiques ou physiques. En effet, les premiers risques sont les bactéries, les virus, les prions et les parasites et ils peuvent provenir de diverses sources comme l’environnement naturel, l’eau polluée utilisée pour irriguer les cultures ou laver les aliments ou des pratiques inadaptées aux stades de l’abattage”.
L'exemple du marché Plateau des 15 ans nous démontre qu'il est possible d'améliorer les conditions de salubrité dans les marchés si nous nous soucions de notre santé.
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